« L’un venait de Bastille, l’autre du Jardin des Plantes. Le plus grand, vêtu de toile, marchait le chapeau en arrière, le gilet déboutonné et sa cravate à la main. Le plus petit, dont le corps disparaissait dans une redingote marron, baissait la tête sous une casquette à visière pointue.
Quand il furent arrivés au milieu du boulevard, ils s’assirent à la même minute, sur le même banc. »
Nous vous proposons un extrait de l’œuvre posthume de Gustave Flaubert Bouvard et Pécuchet, ces deux copistes parisiens partis expérimentés les sciences dans une ferme du Calvados achetée avec l’héritage d’un oncle de Bouvard. Nos deux compères, qui ont bien failli être nommés « les deux cloportes » [1], vont tour à tour étudier et expérimenter l’agriculture, les sciences, l’histoire, la littérature, la politique, le corps et l’âme, la religion et l’éducation [2].
Il faut bien reconnaître que nos deux héros vont connaître de nombreuses déconvenues voire de cuisants échecs. L’ouvrage était, dans le projet de Flaubert, la préface – de fait, étendue [3] – du Dictionnaire des idées reçues. Il est, bien entendu, un livre sur la bêtise. Mais Bouvard et Pécuchet sont-ils seulement cela ? Ils sont cultivés, curieux, lisent énormément et ont un « grand désir de savoir, de vérité » certainement un « trop grand désir de vérité », ce qui les conduit inévitablement à la posture d’idiots. Néanmoins, ils deviennent également « révélateurs de la bêtise des autres » [4]. Dans le chapitre 8, Flaubert écrit « Alors une faculté pitoyable se développa dans leur esprit, celle de voir la bêtise et de ne plus la tolérer » [5]. La fin prévue par Flaubert était le retour à l’activité de copistes, non plus en tant qu’employés mais dans l’activité pour elle-même, préfigurant ainsi le Dictionnaire des idées reçues.
Cet ouvrage révèle encore une fois s’il en faut le lyrisme ironique de Flaubert, le « grotesque triste » selon Michel Crouzet [6]. Nous ne pouvons que vous encourager à venir l’emprunter à la bibliothèque pour le (re)lire avec une délectation certaine. En attendant, l’extrait que nous avons choisi se situe au chapitre 2 suivant la rencontre et se concentrant sur l’agriculture.
Notes :
[1] : Flaubert, Gustave. Bouvard et Pécuchet. Paris : Gallimard, Folio classique, 1979. p.9
[2] : https://flaubert.univ-rouen.fr/bouvard_et_pecuchet/chantier/episodes.html. Consulté le 3 avril 2019
[3] : https://www.franceculture.fr/emissions/la-compagnie-des-auteurs/gustave-flaubert-44-madame-bovary-et-bouvard-et-pecuchet. Consulté le 3 avril 2019
[4] : Ibid.
[5] : Op. cit., p. 319
[6] : Ibid.