Trop de fleurs ! Jules Verne

trop de fleurs !Jules Verne à la bibliothèque de la SNHF… vous pourriez trouver la chose étrange. Exit la plume talentueuse de cet illustre auteur dont les œuvres ont fait voyager bon nombre d’entre nous, pourquoi Jules Verne se nicherait-il dans nos collections ? Et bien, chers lecteurs, dixième bibliothèque, troisième étagère en partant du haut, et si vous ne trouverez pas le pays imaginaire vous rencontrerez le bulletin de la Société d’horticulture de Picardie de l’année 1891. Pour le moment, me direz-vous, la rapport entre Jules Verne, la Société d’horticulture de Picardie et l’année 1891 semble bien ténu.

Aussi remontons le temps ensemble. Nous sommes le 22 février 1891, se tient ce jour l’assemblée générale publique de la Société d’horticulture de Picardie sous la présidence de M. Allain-Targé, préfet de la Somme et président d’honneur de la Société. En ce dimanche 14h, dans la grande salle de l’Hôtel de Ville, la foule s’est empressée de venir écouter l’ « illustre concitoyen », Jules Verne.

Dès lors, vous entrevoyez la raison de la présence de Jules Verne dans nos collections. Non ? Vous vous demandez encore pourquoi Jules Verne tiendrait-il une conférence dans une société d’horticulture ? Avait-il des talents de botaniste, herborisait-il de temps à autre ? Cher lecteur, vous apprendrez que lui même ne savait pas réellement pourquoi une telle demande lui fut faite.

Depuis 1888, Jules Verne siège au conseil municipal d’Amiens et est en charge des spectacles. À ce titre, il assiste aux spectacles, prononce des discours, des causeries. C’est à ce titre que M. Decaix-Matifas, adjoint au Maire et président de la Société d’horticulture, le sollicite pour une causerie à l’occasion de l’assemblée générale. Il raconte cela dans le début de sa lecture :

Bulletin de la Société d'horticulture de PicardieJ’ai eu à la fois le bonheur et le malheur de me trouver face à face avec M. Decaix-Matifas. S’il n’était qu’adjoint, on serait toujours heureux de rencontrer M. Decaix-Matifas. Mais le malheur, c’est qu’il est en même temps Président de la Société d’Horticulture de Picardie. Or, ce jour là, parait-il, tout entier à ces fonctions qu’il remplit avec tant de zèle pour le plus grand profit de cette Société, il crut devoir me dire à brûle-porpoint :
« Mon cher Monsieur, nous aurons une Assemblée générale publique le 22 février prochain, et je serai enchanté si vous nous gratifier d’une lecture..
_ Une lecture ? m’écriai-je en faisant un pas en arrière.
_ Oui…
_ Une lecture sur les fleurs… les arbustes… les jardins ? ajoutai-je en reculant de deux autres pas.
_ Précisément.
_ Mais je n’y entends rien, mon cher Monsieur ! répondis-je. Je ne sais même pas distinguer le geranium de la bourrache, ni le convolvus du rhododendron !
_ Ce n’est point une raison, reprit M. Decaix-Matifas d’un ton un peu narquois. Il n’est pas nécessaire que vous parliez en professeur de botanique. En amateur seulement…
_ Amateur… je ne l’ai jamais été et serais incapable de l’être !
_ D’ailleurs, M. le Préfet présidera la séance, fit observer M. Decais-Matifas, comme pour me tenter davantage.
_ M. le Préfet ?…
_ Et il y aura des dames ! »
Des dames !… Des dames avec des manches épaulées jusqu’aux oreilles !
Et de ce dernier coup je fus assommé littéralement.
Alphonse Karr a dit dans une de ses amusantes lettres, datées de son jardin : « j’aime beaucoup voir les roses, mais je n’aime pas à en parler ! » S’il eut étendu cette opinion à toutes les productions du règne végétal, le spirituel écrivain n’aurait jamais rien proclamé de plus juste.
Parler de fleurs, quand de les regarder devrait suffire, à quoi bon ? Et pourtant, Alphonse Karr aurait pu discourir savamment car c’était un sujet qu’il connaissait à fond. Mais moi, ignorant, ignorantin, ignorantissime ! Ah ! M. Decaix-Matifas, que vous avais-je fait ?

 

Jules Verne entame alors un discours de 30 minutes rempli d’humour, de rythme et surtout un discours de 30 minutes où il aura « parlé que pour ne rien dire », « pour parler de ce qu'[il] ne savait pas, et [le public pour l’] entendre ». Nous ne pouvons que vous inviter à écouter un extrait de cet exercice de style acrobatique et surtout de venir le dévorer dans son intégralité à la bibliothèque.

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